démarche

Une certaine curiosité pour l’acte d’habiter le monde est devenue centrale dans mon travail. Je suis intriguée par le rapport d’interpénétration qui existe entre le corps sensible et son environnement, rapport que je mets à l’épreuve via une approche qui inscrit le performatif comme point de départ pour une création interdisciplinaire. Réalisées sans public, mes performances cherchent toujours d’abord à me placer dans une situation de rapport renouvelé au monde, à mon quotidien, à l’environnement bâti et naturel dans lequel je suis plongée. Émergent de mon travail deux tangentes. L’une emprunte aux procédés documentaires et scientifiques en explorant la notion de vie quotidienne. L’autre esquisse une interprétation poétique du besoin d’appartenance au monde dans une optique de recherche de transcendance.

Mon travail sur la quotidienneté prend comme prémisse l’idée que les microévénements qui composent notre quotidien en viennent, en raison de leur omniprésence et de leur répétition, à constituer notre existence. Je me propose d’une part de faire l’étude pseudo-scientifique de ce quotidien. Les lieux habités, traversés, les gestes et les regards répétés deviennent le théâtre d’une investigation méticuleuse : ils sont captés, documentés, scrutés, archivés. Je tente ainsi de répondre à la question «Où suis-je quand je n’y suis pas?». Je me propose en outre d’agir sur ce quotidien. L’insertion de protocoles d’action poétiques au sein de la routine et la construction d’architectures improbables, susceptibles de modifier les gestes posés, permettent de transformer mon expérience du monde. 

Je travaille également la relation du corps à son environnement à travers une approche plus intimiste, basée sur la vulnérabilité et l’empathie. Elle s’incarne dans un vocabulaire plastique de la trace où le livre-objet, l’association texte-image et le dire-à-demi-mot permettent une sorte de mise à nu rendue floue. Je cherche à comprendre comment appartenir au monde, j’esquisse des tentatives de rapprochement pour entrer en fusion avec lui. Mes recherches actuelles tendent à envisager le moi-artiste comme un personnage à habiter, le faire-art comme performance du moi-artiste. Je m’interroge particulièrement sur les manières de construire des récits d’autofiction à partir des traces laissées derrière par les pratiques performatives.

ÉCHANTILLONNAGE DES SOLS À L’ÎLE AUX CORNEILLES

J’aurais dû être un rocher noyé par la rivière, caressé par elle pendant dix mille ans. J’aurais dû connaître l’érosion, voilà tout. C’est pourquoi je me sens si proche de l’île, que dans mon corps d’humaine je déborde. Il n’existe aucun moyen adéquat pour communiquer un amour comme celui-là : l’île n’est pas faite pour comprendre ces choses-là.

Pendant l’été 2019, je me suis rendue à l’île aux Corneilles à marée basse pour y prélever six morceaux du sol. Cette action s’inscrit dans une suite de projets performatifs et poétiques qui gravitent autour de cette idée d’osmose entre le corps et la nature, et qui s’intéresse aux drames accablant les êtres qui projettent leur empathie trop loin et trop fort. 

Impression en risographie sur papier, reliure au fil à coudre.
4.75 x 7.5 pouces.
2020.

Petit musée de l’errance

Le projet Petit musée de l’errance fonctionne à la manière d’une autofiction. Y sont rassemblés les indices témoignant de ma quête de transcendance absurde : celle d’entrer en relation avec le monde en confondant mon existence avec celle du sol, de la terre.

Plaquettes de métal doré, planches de contreplaqué, chloroplaste, cage à poule, plastique translucide, terre, engrais, gazon.
Dimension variables.
2019.

Je suis une maison d’édition

Je suis une maison d’édition est une série de vingt-huit livres-objets de nature variée. Réalisés sur une période de trois mois, ils permettent de poursuivre la recherche sur le livre-objet entamée dans le projet Routine-poésie, et ce dans un contexte moins contraignant de protocole performatif.

Livres (papiers, fils, graphite, encre, gouache, photographies argentiques, ruban adhésif) et tables (tubes de fer, planches de pin, vis).
Dimensions variables.
2018.

Le matin du samedi 14 avril

Série de dessins documentant les états manifestés par le corps pendant le sommeil. Une caméra fixée au plafond de la chambre capte des images toute la nuit. Huit de ces images choisies par un système objectif sont reproduites au dessin. 

Le matin du samedi 14 avril s’inscrit dans une suite de projets inspirés de la méthode scientifique et prenant pour objet d’étude les aspects de ma présence au monde dont je n’ai pas conscience. Elle tente de répondre à la question «­ Où suis-je quand je n’y suis pas? ».

Série de huit dessins au graphite sur papier coton.
56 x 72 cm chaque.
2018.

Routine-poésie

Routine-poésie est une série de sept livres réalisés selon un protocole performatif qui s’intéresse aux effets de l’ensommeillement sur la création. Pendant une semaine, à chaque matin entre quatre et six heures, j’ai dû me réveiller, réaliser une séance d’écriture automatique, puis construire un livre en associant quelques extraits du texte à des images découpées dans de vieux ouvrages sur la nature et les animaux. Je pouvais ensuite retourner dormir.

Livres (papier translucide, fil, graphite, photographies trouvées, ruban adhésif) et tablettes (bois de frêne).
Dimensions variables.
2017.

Collecter le sommeil

Collecter le sommeil est une série de pièces brodées réalisées selon un protocole performatif intégré à la vie quotidienne : pendant deux semaines, broder sur une pièce de tissus différente chaque jour l’heure qui s’affiche au moment de se mettre au lit, et poursuivre jusqu’à ce que le sommeil s’impose. Le détail présenté ici correspond à une journée suivant une nuit blanche : j’ai fait plusieurs siestes.

Tissus de lin, fil à broder, bois de frêne, colle de charpentier.
Chaque pièce : 15 x 15 cm.
2017.

La maison
Serre-Brouette

La Maison Serre-Brouette est une structure habitable et mobile. Son architecture improbable porte l’objectif de modifier les gestes quotidiens de la personne l’habitant. Elle donne aussi forme à mon désir obsessif de vivre dans une serre.

↓          La maison est transportée par l’artiste dans les rues de la ville.
        La maison est habitée pour la première fois.
      La maison est présentée au public à la manière d’une maison modèle.
↓↓↓↓    La maison inachevée est présentée sur son lieu de construction.

Contre-plaqué, plastique translucide, roues de brouette, plaques de polycarbonate ondulé, tubes de fer carrés, clous, colle de charpentier, vis, peinture, teinture.
La maison mesure environ 7 x 8 x 9 pieds.
2017.

GAZON NO. 3 : ÉCHANGE

(le territoire dans la chambre et le corps sur le territoire)

Le projet Gazon #3 : Échange (le corps sur le territoire et le territoire dans la chambre) rassemble les traces photographiques d’une performance ayant pris place simultanément dans deux lieux différents, et pour laquelle j’ai échangé de place, pendant vingt-quatre heures, avec un morceau de gazon. En plaçant chacun des corps dans l’espace quotidien de l’autre, cette performance formule le projet utopiste de créer les conditions nécessaires à une compréhension mutuelle de leur existence. Le gazon, dans ma chambre, entend les conversations de mes colocataires, expérimente l’absorption de son poids par le moelleux du matelas et voit migrer le soleil à partir du point de vue qui est le mien au quotidien. Moi, dehors, je me creuse un nid dans la neige, je somnole, inerte, et j’écoute la pluie à partir du point de vue qui est le sien au quotidien. Travail sur l’empathie au sens large, il s’interroge sur les limites qu’imposent le corps et la sensibilité humaine à l’expérience du monde.

↓        Une série de triptyques retrace le déplacement des deux êtres vers l’habitat de l’autre.
↓↓      Un diptyque retrace, minute par minute, les 24 heures de performance dans les deux lieux.

Traces de performance : gazon, neige, papier bulle, graphite sur papier.
Dimension variables.
2017.

Autoportrait

au gazon

Le projet Autoportrait au gazon est un processus performatif au cours duquel trois lieux de Chicoutimi associés au souvenir d’une émotion ont été déneigés, puis un détail du paysage en a été prélevé et conservé. Un court texte associé à chaque pièce raconte le souvenir qu’elle commémore. Sur l’exemple montré, Gazon no. 1, on peut lire: «Un jour j’ai vu un chaton mort du gel de la nuit, couché sur le côté avec ses pattes longues, élégantes».

Traces de performance : gazon, neige, papier bulle, graphite sur papier.
Dimension variables.
2017.

(du temps)

L’œuvre collective (du temps) est une taille directe dans la neige réalisée selon un procédé imitant l’érosion : percer des ouvertures, faire apparaître des colonnes et des alcôves. Œuvre réalisée avec Odile Lamy et Alexis Curodeau-Codère dans le cadre du concours intercollégial de sculpture sur neige de Rivière-du-Loup, en fonction de la thématique L’œuvre du temps.

Taille directe dans la neige.
10 x 12 x 6 pieds.
2015.

Ça sert à rien
d’aimer une émancipée
pareille

Ça sert à rien d’aimer une émancipée pareille est une taille directe dans le pin. D’abord inspirée par les formes alvéolaires des morilles, sa forme finale est le fruit d’un dialogue acharné et entêté avec la matière, dont elle teste les limites.

Taille directe dans le pin
42 x 17 x 22 cm.
2014.