Une certaine curiosité pour l’acte d’habiter le monde est devenue centrale dans mon travail. Je suis intriguée par le rapport d’interpénétration qui existe entre le corps sensible et son environnement, rapport que je mets à l’épreuve via une approche qui inscrit le performatif comme point de départ pour une création interdisciplinaire. Réalisées sans public, mes performances cherchent toujours d’abord à me placer dans une situation de rapport renouvelé au monde, à mon quotidien, à l’environnement bâti et naturel dans lequel je suis plongée. Émergent de mon travail deux tangentes. L’une emprunte aux procédés documentaires et scientifiques en explorant la notion de vie quotidienne. L’autre esquisse une interprétation poétique du besoin d’appartenance au monde dans une optique de recherche de transcendance.
Mon travail sur la quotidienneté prend comme prémisse l’idée que les microévénements qui composent notre quotidien en viennent, en raison de leur omniprésence et de leur répétition, à constituer notre existence. Je me propose d’une part de faire l’étude pseudo-scientifique de ce quotidien. Les lieux habités, traversés, les gestes et les regards répétés deviennent le théâtre d’une investigation méticuleuse : ils sont captés, documentés, scrutés, archivés. Je tente ainsi de répondre à la question «Où suis-je quand je n’y suis pas?». Je me propose en outre d’agir sur ce quotidien. L’insertion de protocoles d’action poétiques au sein de la routine et la construction d’architectures improbables, susceptibles de modifier les gestes posés, permettent de transformer mon expérience du monde.
Je travaille également la relation du corps à son environnement à travers une approche plus intimiste, basée sur la vulnérabilité et l’empathie. Elle s’incarne dans un vocabulaire plastique de la trace où le livre-objet, l’association texte-image et le dire-à-demi-mot permettent une sorte de mise à nu rendue floue. Je cherche à comprendre comment appartenir au monde, j’esquisse des tentatives de rapprochement pour entrer en fusion avec lui. Mes recherches actuelles tendent à envisager le moi-artiste comme un personnage à habiter, le faire-art comme performance du moi-artiste. Je m’interroge particulièrement sur les manières de construire des récits d’autofiction à partir des traces laissées derrière par les pratiques performatives.